Quand la matière revisite le temps et l'espace

 

''Châlonnais d'origine, Bertrand Philibert se partage entre Sarry, où il a grandi, et la Suisse, où il réside une partie de l'année. Son cheminement professionnel l'a amené à révéler l'artiste qui sommeillait en lui depuis toujours. D'abord formé dans la biologie moléculaire, il s'est ensuite dirigé vers le dessin et l'architecture. Il explore également la création de mobilier de jardin et la peinture décorative. Et dès 1993, il participe à la construction de la Bibliothèque nationale de France en tant que responsable construction et qualité des façades. « Ce chantier a changé ma vie, sourit-il. C'était une véritable rencontre entre le bois, l'inox et le béton bruts, c'est ce qui m'a fait basculer dans cette démarche. » Une démarche atypique qui mêle papier, pastel et pigments naturels autour d'un matériau noble : le bois. Parfois peint, souvent teinté. « Ça permet de faire ressortir ses veines et d'apporter plus de profondeur aux œuvres, qui de fait sont toutes uniques. Ça dicte aussi l'action et la position des personnages que je crée sur ce support. Je les réalise tout en transparence, grâce à certaines zones non peintes, en veillant à laisser la structure du bois s'exprimer. » Résultat, les silhouettes qui s'élancent ou se posent sur ses tableaux invitent leurs contemplateurs à découvrir d'autres dimensions. « C'est une façon de partager des perceptions différentes du temps et de l'espace, en lien avec ma vision quantique et donc plutôt théorique des choses. »
Comme une introduction à son univers, il dévoile aussi à l'abbaye de Vinetz une série de dessins inédits à l'encre de Chine et au pastel. Ils illustrent, de manière très graphique et avec une technique de camaïeux parfaitement maîtrisée, les notions de déplacement dans l'espace. « L'idée, c'est d'inciter les gens à s'interroger. On croit en beaucoup de signaux, on se laisse de plus en plus porter par les codes. En a-t-on vraiment conscience ? J'espère aussi pouvoir échanger avec les visiteurs sur leurs lectures de ces œuvres.

 

Sonia LEGENDRE

Journaliste - L'Hebdo du vendredi - mai 2019